Mon premier tournoi international
Mai 2008, Mundubbera, Australie.
Nous ne travaillons plus depuis quatre jours. Nous, c'est une petite équipe de quatre, trois français et une taiwanaise, deux jeunes hommes et deux jeunes femmes. Les champs de mandarines que nous récoltons depuis près de deux mois sont inondés par les torrents de pluie qui s'abattent sur le village perdu dans le sud du Queensland. Nous avons décidé de quitter le lieu pour repartir découvrir d'autres contrées, mais la route est barrée, elle aussi noyée sous les flots. Notre van fait aussi des siennes, la batterie et les bougies de préchauffage ayant mal supporté les écarts de température entre la nuit (pas loin de 0°C) et le jour (plus de 25°C). Nos corps aussi.
Nous passons ces journées entre la cuisine du camping, bien nommé "the big mandarin", la tente, qui résiste tant bien que mal aux assauts incessant des gouttes d'eau, et le van. Il n'y a rien d'autre à faire que bosser dans les champs ici. Ils sont immenses, les rangées d'arbres s'alignent à perte de vue. Les agrumes sont la spécialité du coin.
Nous prenons notre mal en patience. Heureusement, quelques jours auparavant, la mallette de poker commandée via Internet est arrivée à l'accueil du camping. Nous organisons quelques sit-n-go à 2$ avec des voisins de tente. Des moments de détente accompagnés souvent de quelques bières.
Puis nous vient une idée : si nous organisions un tournoi inter-tentes ? Nous entamons alors une campagne de communication à travers le camping, bière à la main, sourire aux lèvres, dans un anglais peu soigné mais efficace.
Quelques heures plus tard, nous sommes une trentaine de joueurs assis autour de trois tables, ayant payé le buy-in de 5$. Français, Allemands, Coréens, Australiens, Hollandais... Nous lançons le "shuffle up and deal" de notre premier tournoi international.
Inutile de vous dire que ce n'est pas un tournoi deepstack. Je ne me souviens ni du stack de départ ni de la structure. Mais le plaisir est bien là. Le verre d'eau n'est pas monnaie courante autour des tables, contrairement à la bière (oui encore elle). Mais le tournoi se déroule sans anicroche.
Il ne reste plus que trois joueurs. Mon pote, qui a appris les règles du poker une semaine avant, un français qui avait accumulé les jetons autant que les cadavres de bouteilles, et moi-même. (Je ne me souviens plus dans quel état j'étais. Parce que ça fait quelques années et non parce que j'avais tout oublié le lendemain !). Nous somme ITM pour notre premier grand tournoi international !
Nous rions à gorge déployé dans ce moment irréel, à l'autre bout du monde. Le français ivre mort fini par nous éliminer tous les deux grâce à une méthode bien à lui : il rentre dans tous les coups et touche absolument tous les flop. Imparable.
Le tournoi est terminé. Nous regagnons la tente, heureux.